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rêve

  • voleurs de rêves fin

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    Fin de l'histoire :


    Un lourd silence s’abattit sur eux, les emprisonnant dans une chape de plomb. Paralysés, ils s’observaient, elle craintive, lui perplexe. Le soleil ne le brûlait pas, mais diffusait en lui une chaleur bienfaisante. Il ne comprenait pas.
    - Si ce n’était pas un rêve, qu’est-ce que c’était ? interrogea Hope d’une toute petite voix.
    - Nous avons créé les décors à partir de ton imagination.
    - Mais pourquoi ?! Et comment me suis-je retrouvée dans ce château?
    - C’est assez difficile à expliquer. Nous choisissons nos victimes parmi les humains qui possèdent une activité onirique intense. Nous les attirons inconsciemment vers nous pour voler leurs rêves.
    - Et que leur arrivent-ils à ces gens ?
    - Ils ne se réveillent jamais ...
    - Je vois ... et toi, pourquoi m’as-tu aidée ?
    - Je l’ignore. Une pulsion soudaine, répondit le jeune homme en détournant les yeux.
    - C’est étrange, mais j’ai l’impression de te connaître.
    La jeune fille effleura la joue de son compagnon d’une main hésitante, puis souleva son menton pour fixer son regard. Depuis l’enfance, Hope rencontrait souvent dans ses rêves un homme brun, au visage flou. Il ressemblait un peu à Fenril.
    Le jeune homme ne s’expliquait pas la faiblesse qui l’étreignait sous la caresse de Hope. Il était un chasseur de la nuit, l’un des plus courageux et, auprès de cette inconnue, il perdait tous ses moyens. Il bafouilla, presque hésitant.
    - J’ai rêvé de toi. C’est la première fois qu’une telle chose arrive. Normalement, c’est impossible !
    - Pourquoi ?
    - Ma race ne peut pas rêver. Elle ne l’a jamais fait, c’est pourquoi nous volons les rêves des humains.
    - Comme c’est triste, toute une vie sans rêve. Si tu veux, je peux t’apprendre à rêver.
    Hope se pencha et déposa un léger baiser sur les lèvres glacées de Fenril. Une onde de chaleur traversa le corps du jeune homme. Son teint pâle s’illumina un instant et ses mains tremblèrent. Un vrai sourire apparut sur sa bouche et une étincelle s’alluma dans ses yeux argentés.
    - Oui, s’il te plaît apprends-moi à rêver.

    Merci d'avoir prit le temps de me lire jusqu'au bout.

  • rose suite

    Le deuxième homme gisait par terre, une mauvaise blessure au crâne.
    Rose courait, courait à travers la sombre forêt. Elle ne savait pas vers où mais elle y allait de tout son cœur. La jeune femme trébucha souvent dans l’obscurité. Les cris de rage de l’autre homme se rapprochaient à tout allure. Alors qu’elle regardait derrière elle, son pied buta contre une racine et elle s’affala de tout son long, à quelques mètres à peine d’un gouffre profond.
    - Cours, petite gazelle, court ! De toute manière, tu ne m’échapperas pas !
    La jeune femme essayait de réfléchir mais sa tête était vide. Soudain, un bruit de bottes la rappela à la réalité. L’homme arrivait vite. Elle lui lança de la terre au visage. Aveuglé, le bandit termina sa course au fond du ravin. Rose se releva et clopina jusqu’à la corniche. Même les rayons de la lune ne pouvaient percer les ténèbres de l’abîme.
    - Aide-moi !
    Rose tressaillit.
    - Aide-moi !
    Rose scruta la nuit autour d’elle. Un mouvement à droite de ses pieds attira son attention. L’homme avait réussit à s’accrocher à une racine.
    - Eh petite ! N’aie pas peur, si tu m’aides, j’te ferai pas de mal.
    - C’est ce que vous vouliez tout à l’heure.
    - Ouais c’est vrai, mais depuis la situation a changé et ahhh !
    Rose s’agenouilla sur le rebord de la corniche. Un souffle venu des profondeurs tentait d’aspirer le bandit qui s’accrochait désespérément à sa racine.
    - Allez, donnez-moi votre main !
    Penchée au-dessus du vide, la jeune femme se concentra sur le bras que lui tendait l’homme pour oublier sa peur du vide. Elle risquait sa propre existence pour arracher sa proie à l’abîme. Ils faillirent tomber tous les deux plusieurs fois. A bout de souffle, ils s’effondrèrent sur le sol. Se rappelant qui se trouvait à ses côtés, Rose rampa à bonne distance de lui.
    - Tu sais, mignonne, dans l’état où je suis, je ne pourrais pas te faire grand mal.
    Sa jambe droite était cassée. Il s’appuya sur un coude, son visage grimaça un sourire.
    - Allez, dépêches-toi de filer.
    Rose se releva et s’en alla après une seconde d’hésitation. A son cou, une nouvelle perle apparut à l’extrémité d’un des pétales.

    Rose marchait depuis des jours et toujours rien ni personne à l’horizon. Ses pieds s’enfonçaient dans la neige, sur ce chemin de montagne. Sans aucune protection que ses seuls vêtements légers, le froid mordait sa chair. Elle avait réussi à survivre en se nourrissant des rares baies et racines qu’elle trouvait. Hélas, de ses maigres réserves, il ne restait presque rien. La faim la tourmentait. Elle continuait d’avancer malgré tout. Elle ne savait ni vers où ni pour combien de temps et encore moins dans quel but elle devait poursuivre sa route. Le désespoir envahissait progressivement son cœur pour embraser sa poitrine lorsqu’une tempête de neige s’abattit sur elle. Petite brindille perdue dans ce désert de glace, Rose n’apercevait ni maison, ni village, rien excepté cette maudite route. Soudain, la jeune femme aperçut, malgré les flocons qui l’aveuglaient, une ouverture dans la roche. Une grotte ?
    - J’espère que les lieux ne sont pas déjà occupés.
    Rose entra avec précaution dans la minuscule caverne. Un peu de paille et quelques brindilles étaient éparpillées mais pas d’ours dans les parages. Elle s’installa dans un recoin, à l’abri du vent glacial. Rose frictionna sa peau rougie pour réactiver la circulation sanguine.
    - Je donnerai n’importe quoi pour être chez moi.
    Mais reverrait-elle seulement un jour sa maison ?
    - Eh ! Eh ! P'tite madame, t’aurais pas une p’tite place pour moi ?
    La jeune femme bondit en poussant un cri. Quelque chose de velu et aux griffes pointues avait grimpé dans son dos et s’était niché dans ses cheveux au creux de sa nuque. Prise de panique, Rose attrapa la bestiole et la jeta par terre.
    - Aïe ! Ouille ! Fais gaffffe ! Ca fffait mal ça !
    Rose ouvrit de grands yeux. Ca y est, la folie qu’elle redoutait tant était arrivée. L’animal ressemblait à un gros écureuil. Il frottait son postérieur, une de ses pattes arrière saignait.
    - Tu parles ?
    - Ben ouais ! Qu’est-ce tu crois ?
    - Tu es blessé ?
    Rose tendait la main lorsque son estomac produisit un gargouillis qui résonna dans la grotte. L’animal recula un peu, il observait l’humaine et la tempête dehors.
    - Eh ! Tu vas pas me manger, dis hein ? Tu sais en dessous des poils y a rien à croûter, tu sais hein ?
    Rose se rassit et esquissa un sourire. Le premier depuis longtemps.
    - T’es jolie ! Pas me manger, hein !
    - Tu es trop mignon, comment je pourrais te tuer ? ... Même si je meurs de faim. Montre-moi ta blessure.
    Rassuré, le rongeur s’approcha et lui tendit sa patte.
    - Tombé sur gros rocher coupant.
    Rose détacha le ruban qui retenait sa chevelure et pansa le petit animal. De ses doigts engourdis, elle décrocha de sa ceinture le petit paquet qu’elle avait fabriqué avec son mouchoir.
    - Je n’ai pas grand chose. Quelques noisettes, des mûres sauvages et une pomme.
    L’écureuil dévorait du regard le contenu du mouchoir. Rose s’en aperçut.
    - Tu veux une noisette ?
    - Je peux ? Oui ? Je peux, vrai, hein !
    La jeune femme donna le fruit au petit animal qui vint se nicher sur ses genoux.
    Elle sourit. Il était trop mignon. Elle mangea les mûres et garda la pomme. Une scène de son enfance revint alors à sa mémoire. Elle confiait ses secrets à une peluche. Un jouet ne pouvait pas la trahir.
    - Je m’appelle Rose.
    - Pip, je m’appelle Pip. Hum ! C’est bon hein ! Tempête bientôt finie.
    - Je l’espère...
    La jeune femme appuya sa tête contre la roche et ferma les yeux. Elle était si fatiguée, affamée, désespérée. Tout son corps n’était que souffrances et son âme... son âme... Rose voulait juste que tout s’arrête. Une douce torpeur l’enveloppa dans son linceul, à l’abri de la morsure du froid et des affres de la faim. Rose était de retour chez elle. Un feu réconfortant brûlait dans la cheminée. Son chat Frodon ronronnait sur ses genoux. Sa musique préférée sortait des haut-parleurs de sa chaîne hi-fi. Elle se sentait si bien. Au paradis. La douleur envolée.
    - Eh ! P’tite madame ! Eh fffaut pas dormir !
    - Aaaiie !
    - Désolé ! Rose pas fffâché contre Pip ! Rose pas dormir ! Hein ? Hein !
    Le pouce droit de la jeune femme portait la trace de deux petites incisives. Pip la regardait avec ses grands yeux brillants.
    - Tu as raison. Ce n’est pas prudent.
    - Plus de tempête dehors.
    Elle se leva. Ses jambes tremblèrent sous l’effort. Pip s’installa au creux du cou de Rose, emmitouflé dans ses cheveux. Malgré son estomac vide, elle n’aurait pas pu se résoudre à manger l’espiègle écureuil. La jeune femme poussa un profond soupir. “Qui vivra verra ! ”
    - Allez courage !
    La tourmente avait laissé place à un ciel parme plus clément. Une nouvelle perle apparut sur le dernier pétale du pendentif.

    Une route, large et dégagée, traversait maintenant une vallée verdoyante. Un joyeux soleil brillait dans le ciel. Grâce à Pip, Rose mangea des champignons croquants au déjeuner. Elle en dévora trop et trop vite. Son estomac qui n’avait plus l’habitude resta barbouillé pour le reste de la journée. Pip sur l’épaule, la jeune femme goûta à un bonheur bien mérité après tous ces jours horribles. L’air embaumait et des chants d’oiseaux charmaient ses oreilles.
    - Oiseaux, miam ! Nourriture. Plus avoir faim, hein !
    - C’est vrai, de l’Enfer nous sommes tombés au Paradis.
    “J’espère que ça va durer” pensa Rose pour elle. Soudain, Pip renifla bruyamment.
    Rose le caressa avec un doigt.
    - Qu’est-ce qui ne va pas ?
    - Mauvaise odeur. Pas bon, pas bbbon !
    Tout à coup, un grand cheval jaillit d’un chemin juste devant elle. Il se cabra et ses sabots frappèrent le sol à quelques centimètres de ses pieds. Pip tomba sur le goudron. Le cavalier masqué attrapa Rose et la jeta en travers de sa selle avant de repartir au galop. La scène n’avait duré que quelques secondes. Ballottée et nauséeuse, Rose se demandait quand son supplice prendrait fin. L’étalon filait comme le vent. La jeune femme gardait les paupières fermées et les mains crispées sur la jambe de son kidnappeur. Pip non plus n’osait pas ouvrir les yeux. Pourquoi s’était-il accroché à la queue du cheval ? Petit à petit, l’écureuil s’approcha de la selle et commença à ronger la sangle.
    Le sang montait à la tête de Rose qui souffrait de cette position inconfortable. Où cet inconnu l’emmenait-il ? Peut-être au bout du voyage ? Elle essaya d’apercevoir le regard sous le masque sombre de l’homme. Ce qu’elle vit la glaça jusqu’aux os. La mort l’attendait si elle restait avec lui, elle en était persuadée. La pensée de sa fin prochaine s’insinuait dans son cerveau depuis plusieurs jours. Elle ne savait comment l’expliquer. La fatigue ne gangrenait plus seulement son corps physique mais aussi son esprit. Oui mais comment s’échapper ? En contrebas, une rivière les accompagnait. Elle cherchait une solution lorsqu’elle se sentit tomber. Rose roula le long d’une pente. Sa chute lui parut durer une éternité. Lorsque tout s’arrêta, elle n’était que plaies et bosses.
    - Ouille ! Mes aïeux ! Je ne suis pas morte ?
    Puis elle se rappela son ravisseur et jeta des coups d’œil inquiets autour d’elle. Elle aperçut son corps plus loin au bord de l’eau claire.
    - Aïe ! P’tite Rose contente de Pip, Hein ?
    L’écureuil s’approchait en clopinant, mais ravie de son travail.
    - C’est toi qui m’a libérée.
    - Ouais !
    Et le petit rongeur bomba le torse de fierté.
    - Ce ssssale bonhomme, y bouge plus.
    - Ne t’inquiète pas, Pip, je vais aller voir.
    Rose n’était pas du tout rassurée. Chaque parcelle de son corps n’était que souffrance et son instinct lui dictait de s’enfuir en sens inverse. Avec prudence, elle avança vers le corps inanimé.
    - Il y a du sang. Je crois qu’il s’est assommé sur cette grosse pierre.

  • Rose

    Voici un texte que j'avais écris pour un concours de nouvelles dont le thème était la route.
    Voilà la première partie.

    ROSE

    Rose ouvrit les yeux. La première chose qu’elle vit fut un ensemble d’étranges sculptures de craie. Couchée à plat ventre sur du goudron, la tête douloureuse, elle se redressa péniblement en titubant. Autour d’elle, des troncs de bois mort se dressaient tels des spectres dans un paysage martien. Rose ne reconnaissait pas cet endroit. Une large route traversait un désert de roc et de poussière. Un sentiment d’angoisse lui pinça le cœur. Où était-elle ? Que faisait-elle là ?
    - Eh ! Oh ! Il y a quelqu’un ?
    Son cri s’envola en écho dans le silence absolu de ce lieu. Pas de réponse. Le cœur de la jeune femme s’accéléra encore un peu plus. Après moult hésitations, Rose décida finalement d’avancer et marcha pendant des heures sans rencontrer âme qui vive. Le bitume collait à ses semelles. Sous la brûlure du soleil, son teint clair devenait cramoisi, ses épaules plus lourdes. Sa longue chevelure marinait dans sa sueur. Protégeant ses yeux avec ses mains, elle cherchait une trace d’eau, même infime, pour apaiser sa soif.
    - Cette route doit bien mener quelque part !
    Mais pour l’instant, rien, tout n’était que feu et désolation. Elle continua. Au bout de quelque temps, elle finit par atteindre un amalgame de pierres. Haletante, Rose s’approcha d’un rocher qui lui offrit un peu d’ombre. La chaleur étouffante n’avait pas disparu mais son corps tout entier apprécia de se cacher quelques instants du soleil. La transpiration trempait son t-shirt tandis que son jean brûlait ses cuisses. Elle scruta les alentours. Si elle avait osé, elle se serait mise en sous-vêtements.
    - Non, je ne peux pas faire ça. Que penseraient les gens de moi ?
    Sa vie entière était conditionnée par l’opinion des autres, surtout ne pas décevoir, ne pas choquer. Aussi, malgré son désir et le simple bon sens, elle préféra continuer de suffoquer.
    - Je suis en enfer, j’en suis sûre !
    Rose ne reconnut pas la voix rauque qui s’échappa de sa gorge desséchée. Le sang pulsait à ses tempes. Soudain, une violente nausée la plia en deux. Elle ne se sentait pas bien du tout. Mais où se trouvait-elle, bon sang ? Et surtout, comment était-elle arrivée ici ? Voilà la question qu’elle se posait sans cesse depuis le début de son aventure.
    - Je donnerai n’importe quoi pour être affalée au frais, un énorme pot de glace au chocolat sur les genoux.
    La jeune femme ne pouvait plus avancer. Elle avait l’impression que ses pieds avaient fusionné avec le sol. À bout de force, Rose s’assoupit au milieu de nulle part.

    Rose s’éveilla en sursaut. Mon dieu, quel cauchemar !
    - Oh non ! C’est bien la réalité.
    Cette maudite route était toujours là. La nuit était tombée. Quelques étoiles l’éclairaient à peine. Un frisson parcourut son corps. Après la chaleur de plomb, le froid. Elle essaya de se lever mais ses jambes flageolantes refusèrent de la porter. Son corps réclamait de la nourriture et surtout de l’eau.
    - Pourquoi moi ?
    Son dernier souvenir ? Dernier souvenir … elle marche dans la rue, insouciante et … plus rien.
    - La peste soit de cette mémoire !
    Après plusieurs tentatives pour se lever, Rose réussit à reprendre son chemin. Le regard fixé droit devant, elle serrait ses bras contre son buste pour se réchauffer. Chacun de ses pas était un véritable calvaire.
    Elle poursuivit sa marche jusqu’au matin. Rose se rendit compte que le paysage avait changé. Un peu de verdure apparaissait par-ci par-là sur les bords de la route devenue caillouteuse.
    - Au secours ! Quelqu’un ! Aidez-moi !
    Rose sursauta. Son imagination lui jouait-elle des tours ? Une voix masculine, mais où ? Le son semblait venir de la droite. La jeune femme hésita. Devait-elle quitter sa route pour aller voir, au risque de se perdre ou continuer ? Une route menait toujours quelque part, pas vrai ? Tôt ou tard, elle arriverait au bout de son long périple. Du moins, l’espérait-elle.
    - Au secours ! Je vous en prie, aidez-moi !
    Après bien des hésitations, elle se décida. On n’abandonnait pas une personne en difficulté. Après tout, l’appel ne venait pas de si loin, elle avait peu de chance de s’égarer.
    - Arrête un peu de te poser des questions et décide-toi !
    Après plusieurs minutes de marche sur un chemin broussailleux, Rose déboucha subitement sur un splendide paysage de montagne. Un vieil homme se trouvait au centre d’un pont suspendu très étroit.
    - S’il vous plaît, jeune femme, je n’arrive pas à me relever.
    Rose s’approcha du bord et regarda en bas avant de reculer aussitôt. Le vide à ses pieds menaçait de l’aspirer.
    - N’ayez pas peur, le pont est solide.
    “N’ayez pas peur. Il en a de bonne, pensa la jeune femme. On voit bien que ce n’est pas lui qui a le vertige.”
    - Si je viens vous chercher, je vais tomber, lui cria-t-elle en reculant d’un pas.
    - Si vous avancez avec prudence, il n’y a aucun risque.
    - Faites un effort, tirez sur vos bras.
    - En tombant, je me suis tordu la cheville.
    Rose tordait ses doigts. Elle l’aiderait bien s’il n’était pas au centre d’un pont si haut et si fragile.
    - Je vous assure qu’il n’y a aucun danger. J’ai glissé sur le bois humide comme un idiot mais vous, vous êtes plus jeune, tout se passera bien, insista le vieil homme.
    Une lutte acharnée se déroulait dans la tête de la jeune femme. Deux petites voix, deux avis opposés : l’aider ou ne pas l’aider ? Rose ne prenait jamais de risque, c’est sans doute pour ça que sa vie était aussi ennuyeuse. Elle avait pourtant le cœur généreux.
    - Chassez vos idées négatives qui paralysent vos actions et avancez en confiance.
    Rose poussa un profond soupir et agrippa la corde. Elle ne devait pas renoncer avant d’avoir essayé. Un pas après l’autre, elle avança très lentement sur le pont. Avec prudence, la jeune femme aida le vieil homme à revenir sur la terre ferme.
    - Vous voyez, ce n’était pas si difficile.
    Il lui souriait mais Rose ne pouvait s’empêcher de trembler. Le violent effort contre sa peur l’avait vidée du peu de forces qui lui restait. L’inconnu lui tendit alors un magnifique pendentif, de la taille d’une paume d’enfant. Il représentait une fleur à quatre pétales avec une perle vert clair sur deux des extrémités. Des tas de questions se bousculaient dans la tête de Rose. Le vieil homme saisit la main de la jeune femme et y déposa le bijou.
    - Pour vous remercier.
    Rose recula d’un pas.
    - Je ne peux pas accepter un présent aussi beau.
    - J’insiste. Vous l’avez bien mérité. Oh, j’allais oublier, prenez ceci aussi.
    Et sans lui laisser le temps de répondre ou bien de l’interroger, le vieil homme disparut. Elle était à nouveau seule.
    La jeune femme observa le drôle de fruit mauve qu’il lui avait donné. Elle n’en avait jamais vu de pareil. Rose rebroussa chemin mais, au bout de quelques pas, elle se rendit compte qu’elle ne reconnaissait plus rien. Elle allait céder à la panique lorsqu’elle se rappela les paroles du vieil homme.
    - Calme-toi, ma fille, calme-toi. Tu dois penser positif.
    Elle se retourna. Il était bien parti quelque part.
    - Ce que tu peux être bête, pourquoi tu ne lui as pas demandé ta route ?
    Rose découvrit un sentier qui longeait le précipice. Il la conduisit bientôt au cœur d’une sombre forêt. Les sapins, plusieurs fois centenaires, formaient une voûte que les rayons du soleil avaient du mal à percer. Quels contrastes étonnant ! La jeune femme venait de traverser trois paysages aussi différents sans aucune transition. Curieux.
    La fatigue eut bientôt raison de sa volonté et Rose se laissa tomber au pied d’un résineux. La fraîcheur du sous-bois apaisait un peu sa peau douloureuse. Si elle n’était pas perdue, elle aurait mieux apprécié ce cadre paisible. Dans un vilain gargouillis, son estomac se rappela à son bon souvenir. Sans précipitation, Rose dégusta le fruit mauve que lui avait donné le vieil homme.
    - Dieu, que c’est bon.
    A sa grande surprise, le fruit fut suffisant pour étancher sa faim et sa soif. Rose observa le pendentif. L’objet était doux au toucher et légèrement chaud. Les deux perles étaient fascinantes. La forêt silencieuse berçait les sens de la jeune femme, doucement ses yeux se fermèrent.
    Rose se tenait immobile au centre d’un carrefour. Un brouillard écarlate dansait autour de ses chevilles. Elle était seule mais elle sentait une présence invisible autour d’elle. Quelle direction choisir ? Elle n’arrivait pas à se décider. Soudain, la brume commença à l’envelopper dans un cocon glacé. La jeune femme essaya de se dégager sans succès. La paralysie atteignit rapidement son buste. Rose hurla.
    - Oui. Libère-toi. N’aie pas honte d’exprimer ce que tu ressens au fond de toi.
    - Qui a parlé ? Qui est là ?

    Un craquement sec arracha Rose de son sommeil. Quelqu’un marchait tout prés. De minces raies de lumière lunaire transperçaient par endroits les ténèbres de la nuit. L’air frais et un sentiment de peur achevèrent de la réveiller.
    - Eh ma toute belle ! Tu es perdue ?
    Un homme venait de surgir à sa gauche.
    - L’endroit n’est pas sûr !
    Un autre s’avançait vers elle.
    - Ouais !
    - Tu vas nous donner tout ce que tu as !
    Rose cédait à la panique. Ses pensées débordaient d’images morbides. Elle allait mourir ou pire. Que devait-elle faire ? Un des bandits l’attrapa par un bras. Affolée, elle lança son pied au hasard.
    - Aïe !
    Son agresseur la lâcha pour se plier en deux. Elle tomba sur le sol. Ses mains tâtonnèrent à la recherche d’une arme éventuelle avant de se refermer sur une grosse branche. La jeune femme se releva. Les doigts crispés sur le morceau de bois, elle frappa au hasard en tourbillonnant.
    - Ahhhh !
    - Franck ? Franck ! Sale morveuse !

    A suivre.