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rêe

  • rose suite et fin

    - Il est mort ?
    - Je ne sais pas. Je suis d’avis de partir d’ici sans perdre de temps.
    - Ouais, t’as raison p’tite Rose.
    Les deux amis longèrent la rivière sur plusieurs kilomètres. Rose se tordit plusieurs fois les chevilles sur le terrain inégal des berges. Ses mollets étaient durs comme de la pierre lorsqu’elle arriva en haut du talus. Elle s’écroula sur le bord de la route, épuisée. De toute manière, elle ne pouvait plus marcher. Allongée sur le dos, les bras en croix, elle observait le vol des nuages. Une soudaine mélancolie s’empara de son âme.
    - Ce serait bien si on pouvait grimper sur l’un d’eux et se laisser emporter au gré du vent.
    Pip nettoyait avec attention son beau pelage roux.
    - Tu as raison. Il y a longtemps que je ne me suis pas vue dans un miroir. Je ne dois pas être belle à voir.
    - P’tite Rose très jolie. Visage blanc comme pétale de marguerite. Yeux noirs très luisants avec jolis cernes bleus.
    - C’est gentil. (Elle redressa la tête pour envelopper son corps d’un regard las). Mes vêtements ne sont plus que des loques. Quant à mes bras, on dirait le barbouillage d’un enfant de trois ans.
    Rose reposa sa tête sur le sol.
    - Tremblement de terre, troupeau d’éléphants ou autre chose. Je ne bouge plus d’ici avant … un certain temps.
    Pip posa sa joue soyeuse sur celle de son amie comme s’il ressentait sa peine.

    Rose et Pip déambulaient à présent sur une autoroute désertique.
    - A quoi ça sert une autoroute sans voiture ! Tu peux me le dire Pip ? J’en ai marre de marcher.
    L’écureuil qui bondissait devant elle, s’arrêta, cligna des yeux et poursuivit son jeu. Au bout d’une demi-heure, Rose aperçut des petites cahutes.
    - C’est pas vrai, j’hallucine. Un péage ! Ici?
    - Ouais, y a p’t-être à manger, là-bas ?
    - Pip, tu ne penses qu’à ton estomac.
    - Cccc’est pas ma faute si j’ai toujours faim.
    Rose se plaça face à la barrière, il n’y avait personne pour la lever. Pip voulut passer en dessous mais fut arrêté par une barrière invisible.
    - Eh ! P’tite Rose, comment on passe de l’autre côté ? Dis, hein !
    - Je ne sais pas.
    A sa droite se trouvait un drôle d’appareil. Elle l’observa de plus près.
    - C’est bizarre. Cette drôle de marque ressemble à la forme de mon pendentif.
    Rose posa son bijou dans l’emplacement. La barrière se leva devant une porte lumineuse.
    - Eh ! Tu vas pas rentrer là, dis hein ? Tu vas pas!
    - Je ne pense pas avoir beaucoup de choix. Allons, un peu de courage !
    Rose disparu, Pip la suivit avec réticence.
    Ils réapparurent dans une sorte d’arène chromée.
    - Je n’aurais jamais cru que tu puisses arriver jusque là !
    Une voix féminine résonna en échos dans le silence du lieu.
    - Qui est là ?
    Pip s’accrocha à la cheville de Rose.
    - Oui vraiment je suis surprise. Toi, si lâche, tellement habituée à ta petite vie confortable.
    Rose cherchait d’où provenait cette voix, mais elle ne voyait rien.
    - Tu as réussi à aider le vieil homme sur son pont. Ce n’est pas dans tes habitudes de prendre des risques. Tu préfères la fuite.
    - Je ne comprends pas !
    - Tu crois que c’est fini et que tu vas pouvoir rentrer chez toi ? Erreur ! Tu as réussi à surmonter les épreuves que je t’avais envoyées. Il est l’heure maintenant de l’ultime test.
    - P’tite Rose, derrière toi ! Oh c’est pas bon çççça ! Pas bon !
    Rose se retourna pour croiser un regard plein de colère.
    - C’est moi! Non, c’est impossible !
    Elle lui ressemblait, c’est vrai mais elle était plus belle. Son regard possédait une assurance sans faille.
    - Pourquoi ? Au contraire ! Tout est possible et tu vas mourir ici.
    En deux enjambées, l’autre s’approcha et la frappa au plexus solaire. Rose s’effondra en toussant.
    - Un peu mou tout ça. Tu n’as pas encore compris les règles du jeu de cet endroit ?
    Elle ponctua sa phrase d’un coup de pied dans l’estomac.
    - Allez, défends-toi !
    - Je ne veux pas me battre contre toi. Je veux me battre contre personne. Tout ce que je veux c’est rentrer chez moi, retrouvez ma vie d’avant.
    - Ta vie d’avant ! Laisse-moi rire. Tu n’avais pas de vie ! La route que tu as parcourue ces derniers jours t’a apporté plus d’émotions que tu n’en as jamais ressentie dans toute ta pitoyable existence !
    Recroquevillée, Rose crispait ses mains sur son estomac. Elle ne comprenait rien. Comment mettre fin à ce cauchemar?
    - Je n’ai pas demandé à venir ici !
    - Oh je t’en prie, tu ne vas pas rejeter la faute sur quelqu’un d’autre ! Chacun de nous est maître de son destin. N’as-tu rien retenu de ton parcours dans notre monde ?
    - Je me suis retrouvée sur cette route inconnue.
    - Mais ensuite, ensuite tu as été libre de tes actions. Tu aurais pu aller au nord, ou au nord-ouest : tu as choisi d’aller au sud. Tu aurais pu laisser ce vieil idiot au milieu de son pont. Ainsi, il ne t’aurait pas donné le pendentif. Sans ce bijou, tu ne serais pas là, en face de moi.
    Son double s’approcha de l’oreille de Rose et lui chuchota.
    - A chaque intersection, tu as choisi ton chemin. Tu n’as pas mangé l’écureuil et grâce à lui tu as échappé au cavalier. Qui sait où tu serais maintenant si tu avais fait des choix différents ?
    Elle plaça ses doigts autour du cou de Rose et commença à l’étrangler. Rose essayait de desserrer l’étreinte mortelle sans succès. L’air commençait à lui manquer.
    -Aïe ! Sale bête !
    La femme attrapa Pip qui avait enfoncé ses dents dans sa main et qui se cramponnait de toutes ses petites forces. Rose roula sur le côté et avala goulûment de l’air frais.
    - Ooooaaah !
    L’écureuil vola à travers la pièce et s’assomma contre un mur.
    - Pip ! Laisse-le tranquille !
    - Sinon quoi ? (Elle suçait sa plaie à la main ) Tu vas me frapper ? Franchement je me demande comment tu as pu obtenir quatre perles ?
    Rose regarda son pendentif. Elle ne l’avait pas remarqué, mais deux autres perles étaient apparues à l’extrémité des pétales.
    - Mon voyage et mes rencontres ?
    - Tes actions surtout. Tu as été jugée sur ce que tu es vraiment au fond de toi et que tu as eu le courage de montrer.
    - Toi, tu es une partie de moi. Celle que je bâillonne et séquestre.
    - Oui ! J’en ai marre d’être rejetée. Accepte-moi, je ne suis pas mauvaise.
    - J’ai peur.
    - Ne recommences pas où je te tue pour de bon ! Tu dois te libérer !
    - Aaah !
    Rose se plia en deux.
    - Qu’est-ce que tu as ?
    - Je ne sais pas une douleur à la poitrine.
    L’autre Rose l’aida à se relever.
    - Cesse de lutter contre toi-même. Il est temps pour toi d’accéder à un niveau supérieur de ton existence.
    Un nouveau spasme déchira les entrailles de Rose.
    - Rose, nous n’avons plus beaucoup de temps.
    - Qu’est-ce que tu veux dire ?
    - Ton âme a commencé son ascension, hélas ton enveloppe charnelle à perdue beaucoup de son énergie vitale. Nous devons fusionner immédiatement.
    - Deux personnes s’affrontent en vous. Chacune d’elle veux prendre le pouvoir. Cette lutte incessante consomme une énergie terrifiante. Cessez le combat, lui avait dit son psychanalyste.
    Elles échangèrent un sourire. Rose déposait les armes. La jeune femme arrivait au bout son voyage. Elle savait désormais quelle route suivre.

    - On est en train de la perdre ! On essaye encore !
    Le médecin posa les palettes du défibrillateur sur la poitrine de Rose.
    - Chargez ! Dégagez !
    - Toujours rien !
    - Encore une fois ! Ce n’est pas possible ! Dégager !
    Biiiiiip.
    - Elle est morte. Pourtant elle n’avait aucun antécédent cardiaque. C’est incompréhensible !
    Biiiiip.
    - Eteignez les moniteurs. Heure du décès, 15h50.