Le début du texte se trouve dans l'atelier d'écriture.
...
La jeune femme retourna dans le grand salon.
- Séléna chérie, qui était-ce ? lui demanda son époux.
Elle caressa avec tendresse la balafre qui courait le long de sa joue gauche.
- Nous avons des invités pour la nuit, répondit-elle avec un petit sourire gourmand.
- Des personnes que je connais ?
- Non. Un couple et leur fille qui se sont égarés. A leur accent, je dirais qu’ils sont bien loin de chez eux.
- Tu as invités des inconnus ! Petite sœur, tu sais bien que je n’apprécie pas beaucoup les étrangers. Ils pourraient poser des questions, la réprimanda une jeune femme à la chevelure bouclée vert émeraude.
- Et bien, tu n’as qu’à rester dans ta chambre, Galatée. Ils ne vont rester qu’une seule nuit. Demain matin, ils seront partis.
- Rester dans ma chambre comme une enfant punie. Ce n’est pas très amusant. Surtout que Cyclope devait me ramener des étoffes précieuses du Tartare.
- Tu n’as qu’à le recevoir dans ton boudoir. Il y a bien assez de porte dans cette demeure pour qu'il entre sans se faire remarquer, intervint l’époux de Séléna devant la moue boudeuse de sa belle-sœur.
- Nicolas, je vais prévenir les cuisines que nous avons trois couverts de plus.
- Bon courage, ma belle.
- Merci, je vais en avoir besoin.
***
En silence, les Parker suivaient Stanley dans un large escalier droit en chêne, éclairé par des appliques d'une délicatesse infime sur les murs. L’homme portait leurs bagages avec facilité. Dans le corridor qui menait à leurs chambres, ils croisèrent une jeune fille aux longs cheveux blonds, si longs qu’ils traînaient derrière elle comme une traîne sur le parquet. Elle avançait tout en lisant un gros livre poussiéreux et ne remarqua même pas leurs présences. Tous les trois pas, elle marchait sur ses cheveux, ce qui lui donnait une démarche de canard boiteux. Ils arrivèrent enfin devant les chambres qui leur avaient été allouées. Dans celle des parents, l’éclairage provenait de la seule lumière d’une large cheminée. Les meubles étaient dans l’ombre, à part le lit proche de l’âtre. De lourds rideaux pendaient à la fenêtre. Ils posèrent leur valise sur la courtepointe brodée. Brenda avait décidé qu’elle n’aimait pas cet endroit et rien ne trouvait grâce à ses yeux.
- Cette pièce est d’un goût ! Elle est trop sombre, trop froide.
La chambre voisine occupée par Allison était plus petite. L’adolescente admira la finesse du chapeau en verre coloré de la lampe en forme de champignon, posée sur la table de chevet. Ces lieux possédaient du caractère, rien à voir avec sa maison récente semblable à toutes celles du quartier. Jusqu’au petit jardin classique taillé à l’identique. Il n’y avait aucune fantaisie là où l’adolescente vivait.
Stanley attendait dans le couloir que les invités se soient bien installés. Avant de descendre au salon rejoindre leurs hôte, Allison demanda la permission de rester dans sa chambre.
- Le dîner sera servi dans environ une heure, précisa le maître d’hôtel.
- Je ne serais pas en retard.
- Et ne fais pas de bêtises, lui ordonna sa mère.
***
Séléna arriva dans les cuisines, un large sourire aux lèvres.
- Bonsoir messieurs.
Quatre créatures ressemblant à des gnomes lui répondirent d’un grognement peu engageant. Grincheux comme toujours. La jeune femme ne se rappelait pas les avoir vu un jour sourire ou avoir une parole aimable pour quelqu’un ou quelque chose.
- Je suis désolée de vous avertir si tard, mais nous avons trois personnes de plus pour le dîner.
- Trois ! ! Et d’abord de qui s’agit-il ?
- Est-ce qu’on les connaît ?
- Qui se permet de venir ainsi à la dernière minute, sans prévenir ?
Séléna ouvrit la bouche pour répondre mais elle n’en eut pas le temps.
- De toute façon nous n’avons pas le choix, hum ! J’espère qu’ils sauront apprécier la finesse de notre cuisine !
- Idiot ! On s’en moque qu’ils aiment ou pas. De toutes manière, ils n’auront rien d’autres.
La jeune femme s’éclipsa discrètement, laissant les quatre compères se chamailler. Elle r rejoingnit Nicolas dans le salon rouge. Il était seul. Galatée était montée bouder dans sa chambre. Dix minutes plus tard, les Parker entrèrent dans la pièce. Brenda ne pût s’empêcher d’admirer l’homme séduisant assis, un journal dans les mains. Il se dégageait de lui une autorité naturelle et une force tranquille. L’entaille sur son beau visage et ses cheveux courts bruns renforçaient le côté ténébreux de sa personne. Son épouse, petite poupée à ses côté, les invita à prendre place dans les fauteuils disposés en arc de cercle devant la cheminée. Les flammes dégageaient une lumière douce et dansante. Tout d’un coup, monsieur Parker poussa un cri étranglé avant de se relever précipitamment. Une grosse boule de fourrure noire lui crachait dessus en le frappant avec sa patte au griffes acérées.
- Vous auriez dû regarder avant de vous installer. Vous avez réveillé Méphisto. Un chat n’aime pas être déranger pendant sa sieste, le sermonna Séléna avec un petit sourire moqueur.
Elle saisit le félin qui jetait des regards assassins à Steven . Il se lova ensuite dans les bras de sa maîtresse avec un ronronnement de bien-être. Les caresses qu’elle lui prodiguaient sous le menton et entre ses oreilles n’y étaient sans doute pas étrangères. La jeune femme allait reprendre la parole lorsqu’une explosion quelque part dans la maison fit sursauter le couple Parker. Une fumée grise et épaisse s’échappa de la cheminée.
- Ton oncle est encore entrain de faire ses expériences, constata calmement Nicolas.
- Un jour, il finira par faire sauter cette maison s’il ne fait pas plus attention, lui répondit son épouse d’un air blasé.
Se tournant vers leurs invités, Nicolas interrogea comme si de rien n’était.
- Vous n’êtes pas d’ici. Que faites-vous dans la région.
- Nous venons du Texas, répondit Steven dont les mains étaient crispées sur les accoudoirs de son siège.
- Nous sommes en vacances. La Bretagne nous a été conseillé par des amis... Excusez-moi mais c'était quoi ça ?
- C'était quoi, quoi ? demanda Séléna de son air le plus innocent.
- Cette explosion. La maison risque peut-être de s'effondrer.
Leurs hôtes éclatèrent de rire.
- Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle.
Brenda Parker n'aimait pas beaucoup que l'on se moque d'elle.
- Excusez-nous, ce n'est pas très gentil de notre part.
- Ne vous inquiétez pas cette demeure est solide. Elle a traversé les siècles et elle est toujours là, les rassura Nicolas d'une voix douce.
- Mon oncle est alchimiste. Il recherche l'oiseau d’Hermès depuis de nombreuses décennies.
Les Parker s'observèrent mais n'ajoutèrent pas un mot. Un alchimiste, des explosions, un chat sauvage, un vieux manoir, où étaient-ils tombés ?
***