Bonjour, voilà une petite nouvelle de jeunesse.
LE MIROIR
Barbara n'était pas contente. Son mari, toujours impatient, la bousculait.
- Dépêche-toi ! Nous allons être en retard.
- Mais non, nous avons le temps.
- Dépêche-toi quand même !
- Barbara fulminait devant sa coiffeuse. Elle n'arrivait pas à discipliner ses boucles rebelles. Elle saisit le miroir à main, et tout en marchant, s'obstina à combattre sa chevelure.
- Chérie, dépêche-toi !
- J'arrive ! J'arrive ! Il n'y a pourtant pas long de route. Une demi-heure tout au plus, s'indigna-t-elle.
Barbara posa à la hâte le miroir sur la commode. Elle n'aimait pas être ainsi bousculée.
Son mari, déjà dans la voiture, l'attendait devant la porte.
Ses longs doigts nerveux pianotaient sur le cuir du volant.
Un long nuage rosé autorisa avec lenteur les rayons du soleil à jouer dans le ciel.
- Chéri, tu ne prends pas la route du port ?
- Non, aujourd'hui, j'ai décidé de couper par l'avenue des arts. Nous gagnerons du temps.
- Mais Paul, nous ne sommes pas en retard !
Devant le visage buté de son époux, Barbara se renfrogna dans son siège, les bras croisés.
Les rayons du soleil se promenaient avec paresse et indiscrétions dans les maisons. Ils caressaient les objets avec délicatesse, offraient leur douce chaleur aux joues des bébés.
Sur la commode, le miroir de Barbara les accueillit avec joie sur son visage lisse. Des reflets dorés dansèrent sur les murs verts de la chambre.
Là-bas, sur un camion des fenêtres aux carreaux transparents s'en allaient emménager dans une nouvelle demeure. Les rayons du soleil profitèrent de la gentillesse du miroir pour aller les saluer.
- Il est tôt, il n'y a pas encore beaucoup de circulation. Nous serons à l'heure.
- Bien sûr que nous serons à l'heure, nous avons plus d'une demi-heure d'avance, marmonna Barbara que ses boucles blondes commençaient à agacer prodigieusement.
En face, un camion de fruits et légumes approchait. Le chauffeur fut soudain aveuglé par un rayon lumineux. L'homme, la main devant les yeux, essaya de recouvrer la vue le temps de stopper son véhicule. Il voulait chasser cette lumière qui l'éblouissait.
Paul quitta la route du regard à peine une seconde, le temps de remettre en place une mèche dorée de sa femme. Barbara poussa un cri ! Pour éviter le camion qui fonçait sur eux, Paul braqua sur la droite. Ils percutèrent une bouche d'incendie. Étourdis mais pas blessé, le couple soupira de soulagement. Paul mit en route les essuie-glaces car une trombe d'eau vomissait sur la voiture. Le jeune homme essaya de redémarrer, en vain.
- Je crois que nous allons être en retard, susurra Barbara.