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La cuisine

LA CUISINE

 

snapshot_96f3c2d0_572da9a8.jpgLes rayons de la lune baignaient d’une douce lueur le quartier du Lavandin. Le chant des cigales enchantait cette belle nuit d’été, calme et parfumée. Une ombre s’avançait avec précaution au milieu du potager florissant des NICOLAS à la recherche des plus beaux légumes. La clarté lunaire surprit une main gantée les cueillir d’un geste sec et rapide.

 

Son forfait accomplit, l’inconnu jeta un coup d’œil à travers la fenêtre de la cuisine, les volets n’étaient pas fermés, puis repartit par où il était venu. Soudain, son pied trébucha sur un tuyau d'arrosage et il s’étala de tout son long. Des tomates bien mûres s’échappèrent de son panier. Le voleur jura entre ses dents avant de se relever avec effort. Il ramassa les légumes mais dans sa hâte, sa pantoufle écrasa un des légumes juteux. Cette fois s’en était trop, il s’enfuit en clopinant. Quelques instants plus tard, le quartier retrouva toute sa quiétude.

Le chant des oiseaux sortit lentement Suzanne NICOLAS du sommeil. La jeune femme déposa un baiser léger sur la joue de son mari et sortit de la chambre. snapshot_96f3c2d0_372dabff.jpgLe soleil répandait sa lumière à travers les persiennes du salon, encore une belle journée en perspective pensa-t-elle en rassemblant les magazines éparpillés sur la table basse en un tas bien ordonné. Les télécommandes retrouvèrent leur place à côté de l’écran plasma. Son regard embrassa la pièce d’un air satisfait. Sa devise était simple : «  une place pour tout  et chaque chose à sa place ».

Rien ne pouvait perturber ce délicieux moment. Après avoir poussé la porte de la cuisine, un cri d’horreur s’échappa de ses lèvres. Une pagaille indescriptible régnait dans ce lieu d’ordinaire si harmonieux.

Les légumes, hier encore bien rangés au centre de la table, étaient maintenant dispersés un peu partout. Des casseroles, des torchons et des cuillères éparpillés sur le sol complétaient ce tableau.

Consternée, Suzanne observait le carnage. Le bonjour joyeux de son mari la fit sursauter.

-         Qu’est-ce qui s’est passé ici ? demanda-t-il.

-          J’allais justement te poser la même question.

snapshot_96f3c2d0_572dad3c.jpgLe jeune homme l’enlaça pour la calmer. Il connaissait trop bien ce regard accusateur. C’est vrai qu’il lui arrivait parfois de laisser un léger désordre dans la maison mais là, on était loin du torchon de cuisine oublié sur le divan. Le coupable y avait mis tout son cœur. D’ailleurs, en y regardant de plus près, il y avait une sorte de créativité artistique dans tout ce fatras. Toutefois, il se garda bien d’exprimer cette pensée. La voix impatiente de son épouse le ramena à la réalité.

-         Je t’assure mon ange que je n’ai rien fait. Une mauvaise blague, sans doute.

-         C’est pas drôle.

Thierry déposa un petit baiser sur la tempe de Suzanne puis entama la préparation du petit déjeuner. snapshot_96f3c2d0_372da345.jpgPendant ce temps-là, la jeune femme répara les dégâts avec mauvaise humeur. La rigueur du rangement la sécurisait mais elle n’avait jamais cherché à savoir pourquoi. Une maison bien rangée contribuait à son bonheur. Soudain, un gloussement interrompit net son activité fébrile.

-         Arrête de te moquer de moi, Thierry !

Ce dernier déposa les bols sur la table en réprimant violemment la remarque acerbe qui lui brûlait les lèvres. Il ne voulait vraiment pas se disputer avec elle.

-         Je ne me moque pas. Qu’est-ce que tu as ?

-         Je t’ai entendu rire.

-         Mais non, ce n’est pas moi.snapshot_96f3c2d0_172da516.jpg

Le jeune homme l’entraîna vers la table.

-         Mange un peu ça ira mieux après. Tu as trop d’imagination, ma chérie.

Il attrapa une tartine et approcha son couteau du beurrier.

- Un chat est peut-être entré par une fenêtre ouverte. Je t’assure que tu dois arrêter de te prendre la tête. C’est rien.

- Possible.

Mais pas certain.   Oublier de vérifier les fenêtres ne lui ressemblait pas.

Sitôt le petit déjeuner achevé, la routine reprit ses droits.

Le jeune couple flâna encore un peu sous le porche avant le départ de Thierry  pour son travail. C’est là qu’ils découvrirent que leur jardin si beau avait encore été vandalisé. Le quartier était plutôt sûr et les voisins aimables.snapshot_96f3c2d0_372da0ea.jpg

-         Sauf elle.

Suzanne désigna du menton une femme d’une cinquantaine d’années qui promenait son chien, un teckel bien trop gras.

. Mme Loiseau habitait deux maisons plus haut dans la rue. Les pavillons, aux grands jardins luxuriants, s’alignaient en une géométrie parfaite. Les NICOLAS appréciaient le calme de ce quartier résidentiel. La jeune femme ne la quittait pas des yeux pour voir si elle oserait. Mais oui !  Cette “sans-gêne” laissait encore son chien crotter juste devant leur portillon. Eh bien sûr, elle repartirait sans ramasser. Non mais quel culot ! Cette vieille pimbêche allait voir de quel bois elle se chauffait. Thierry la retint par le bras, puis lui caressa la nuque pour la calmer un peu.

-         Ne te sens pas visée. Elle le fait à tout le monde.

Thierry étouffa ses protestations d’un baiser avant d’enfourcher sa bicyclette et de s’éloigner en sifflotant.  Rêveuse, Suzanne resta un long moment sur le seuil de la porte avant de regagner sa cuisine.

Il s’agissait là de son sanctuaire. Elle avait investit beaucoup d’elle-même dans cette pièce qui reflétait sa personnalité. Elle écrivait des livres de recettes, participait à la rédaction de certains magazines culinaires littéraires et télévisuels. Sa renommée commençait à grandir dans le milieu. snapshot_96f3c2d0_972d9fb0.jpgL’ordinateur portable posé sur la grande table, Suzanne rédigea une note sur son blog. Elle y expliquait, photos à l'appui, une nouvelle recette à base de légumes d'autrefois : panais, topinambour, rutabaga. L’émission culinaire quotidienne qu’elle animait à la télévision parlerait aujourd'hui de ces oubliés de nos assiettes.

 

Il lui restait encore la vaisselle à laver pour achever cette matinée de travail à la maison. Un nouveau cri s'échappa de ses lèvres. Dans l’évier, la vaisselle était renversée. Sa disposition étrange rappelait un visage aux yeux globuleux. Suzanne se frotta les yeux. Devenait-elle folle ? Encore un gloussement ! Son regard scruta la pièce à la recherche d’un indice quelconque mais elle ne trouva rien.

- Tu as besoin de vacances ma pauvre fille.

La jeune femme termina le reste des tâches ménagères. Elle avait encore le temps de prendre sa douche avant d’attraper son bus.

Une fois la porte refermée, de petits rires s’élevèrent dans la cuisine silencieuse.

 

Au cours des jours suivants, d’autres désordres vinrent perturber l’ordre établi. snapshot_96f3c2d0_572db6ab.jpgSuzanne ne goûtait pas la plaisanterie. Qui que ce soit, si elle mettait la main dessus, il passerait un sale quart d’heure ! Elle n’aimait pas ce genre de blague ! Malgré une attention accrue de sa part, elle ne surprit personne. Thierry proposa de disposer des webcams à divers endroits de la maison. Une sous le porche leur permettrait peut-être de surprendre le pilleur du potager.

Les jours s’écoulèrent sans grand changement. Chaque matin, le désordre régnait dans la cuisine. Thierry s »amusait comme un gamin en grimaçant chaque fois qu’il entrait dans le champ d’une des caméras. snapshot_96f3c2d0_172db2bc.jpgCe dispositif de sécurité eut quand même un effet positif. Le « voleur du potager » fut démasqué. Ce n’était autre que Mme Loiseau. Ils n’en furent pas vraiment étonnés. Cependant, celle-ci nia farouchement toute implication dans le sac de la cuisine. D’autre part, leur enquête se compliquait par la présence d’images troublantes d’objets se déplaçant seuls.

 

Suzanne démêlait ses cheveux, soucieuse. Cette affaire se révélait un véritable casse-tête.snapshot_96f3c2d0_772db4fa.jpg Elle avait beau se creuser la tête, elle était sûre de ne pas être folle. Il se passait des choses curieuses. Un individu, encore non identifié mais extrêmement ingénieux, s'amusait à ses dépens. Sa toilette achevée, Suzanne se dirigea vers la cuisine. Des rires et des bruits lui parvinrent par la porte entrebâillée. Bien décidée à connaître le fin mot de l’histoire, elle s’avança à pas de loup. Un gros oignon roula alors jusqu’à ses pieds. Prenant une profonde inspiration, elle poussa la porte d'un coup sec et tout se figea. Trois secondes, puis le champ de bataille fut rapidement déserté sous son regard halluciné. Les jambes tremblantes, elle s'assit sur le  bord du banc. La tête posée sur les genoux, la jeune femme essayait de reprendre ses esprits. Son cœur battait trop vite. Et Thierry était  déjà parti au bureau.

- Calme-toi. Tout ceci est le fruit de ton imagination.

snapshot_96f3c2d0_b72db696.jpgPourtant des fruits jonchaient le sol. Le rouleau d'essuie-tout était dévidé sur le carrelage. Faisant un effort sur elle-même, elle se redressa bien décidée à résoudre ce mystère. Elle s'avança, scruta avec attention entre les feuilles d’une plante posée sur un meuble en coin et recula de surprise. Une petite créature aux oreilles pointues venait de lui tirer la langue avant de disparaître aussi vite qu’elle était apparut. Un voile noir passa devant ses yeux puis plus rien.  Suzanne s'évanouit sur le carrelage de la cuisine.

Lorsqu’elle se réveilla, l’idée de longues vacances loin d’ici s’imposa à son esprit fébrile. - Bien, aujourd'hui après le travail, lèche-vitrines.

 

Malgré tous ses efforts, Suzanne ne réussit pas à chasser de son esprit les événements de la matinée. snapshot_00000001_b72dbe20.jpgDes recherches à la bibliothèque l’aideraient peut-être à comprendre. La jeune femme errait dans les rayons lorsqu'un titre attira son attention : créatures fantastiques. Le livre serré sur sa poitrine, Suzanne alla s'asseoir. Au milieu des licornes, des sirènes et des fées, elle découvrit, stupéfaite, un portrait de la créature aperçue le matin même. Un sous titre indiquait : “Farfadet, lutin : petit génie malicieux.”

C'était incroyable, sa cuisine était habitée par des lutins !

Thierry ne voudra jamais me croire.

 snapshot_96f3c2d0_f72dc03e.jpg

Suzanne regagna son domicile. Bien entendu, le chaos régnait dans sa cuisine. Elle étouffa un cri de colère. Lutin ou pas, personne n'avait le droit de causer un tel désordre sur son territoire.

- Ça suffit comme ça ! Sortez tout de suite de votre cachette !

Pas de réponse. Pas de bruit.

- Je sais qui vous êtes, farfadets, alors montrez-vous !

Une tête émergea d'une casserole, une autre de sous la salade, et ainsi de suite. Des petits yeux pétillants de malice l'observaient. Les poings sur les hanches, Suzanne les fixait d'un regard assassin.

- On ne faisait rien de mal, dit une petite voix.

- C'est vrai, on faisait que s'amuser.

- S'amuser ! Suzanne crut s'étouffer de rage. S'amuser ! Ma cuisine n'est pas un endroit pour s'amuser. De toute manière, ma maison n'est pas une salle de jeux. Maintenant, repartez d'où vous venez !

- On ne peut pas.

- Vous ne pouvez pas ! Et pourquoi ?

- La maison où nous vivions a brûlé. La foudre.

- Et bien trouvez en une autre, du moment que ce n'est pas la mienne.

Les petits lutins se concertèrent dans un léger brouhaha joyeux.

- On aimerait bien rester ici.

-Oui, pour vous tenir compagnie.

- Vous n'avez pas l'air de rigoler tous les jours.

- On va mettre un peu d'ambiance dans cette maison.

snapshot_96f3c2d0_f72db1b3.jpgSuzanne était à deux doigts d'exploser. Elle discutait avec des lutins, des êtres soit disant imaginaires, qui voulaient s'incruster chez elle.

- Oh non, non, non, non, hors de question. Vous allez ficher le camp tout de suite. Mon mari et moi sommes très heureux ici. Nous n'avons pas besoin de vous.

Assise sur un des bancs, Suzanne saisit une pomme de terre et commença à l'éplucher.

- Tout d'abord, avant toute autre chose, vous allez ranger toute cette pagaille.

- Mais ...

- Il n'y a pas de mais, ensuite ...

Suzanne réfléchissait. Les lutins remettaient en place les objets avec beaucoup de mauvaise volonté. Cette femme n'était vraiment pas marrante. Une cuisine bien rangée était d'un banal et d'un ennui mortel.

- Ah je sais !

Les lutins sursautèrent.

- Mme Loiseau.

Suzanne souriait, malicieuse.

- Mme Loiseau ? Répétèrent en cœur les lutins.

- Oui, c'est une femme qui habite un peu plus loin. C'est une commère désagréable au possible. Elle a un grand pavillon rien que pour elle.

- Elle doit drôlement s'ennuyer toute seule.

- Oui, si vous voulez je vous emmène devant chez elle, susurra Suzanne.

- D'accord !

 

En revenant de chez sa voisine, le sentiment de culpabilité de Suzanne disparaissait à chaque pas. Après tout, les lutins n'étaient pas dangereux. Mme Loiseau qui aimait colporter des ragots  allait être surprise.

- Je me demande comment elle va réagir.

Suzanne haussa les épaules. Elle s'en moquait royalement.

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